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D'or et de colère de Karin Tanabe






Des destins de femmes dans l’histoire coloniale des années 1930, entre Indochine et France.


D’or et de colère

Karin Tanabe

Éditions Belfond

Juin 2021

425 pages



4e de couverture


Dans le décor agité de l'Indochine des années 1930, Karin Tanabe tisse une superbe fresque, pleine de passions et de drames, pour conter un pan méconnu de l'histoire coloniale française.

Héritiers de la riche famille Michelin, Victor Lesage et sa femme Jessie sont envoyés à Hanoï pour reprendre en main les exploitations d'hévéas, ces arbres au caoutchouc naturel si convoité, au centre des tensions anticoloniales.

Tandis que Victor s'investit dans sa mission, Jessie, elle, tente de naviguer dans le milieu fermé des expat'. Pour cette Américaine, très secrète sur son passé, trouver sa place dans cette nouvelle vie n'est cependant pas chose aisée... jusqu'à sa rencontre avec l'intrépide et passionnée Marcelle de Fabry. Avec elle, Jessie fait l'expérience d'un autre Hanoï, interlope, sensuel, nimbé de vapeurs d'opium.

Mais Jessie le sent : l'amitié de Marcelle n'est pas désintéressée. Comme elle, la belle Parisienne cache des choses, une vérité indicible sur les réelles motivations de sa présence sur ces terres du bout du monde où gronde la colère communiste... Combien de temps pourront-elles poursuivre ce jeu de dupes ? Car le destin d'une nation entière est en route, irréversible, et ces deux femmes auront chacune un rôle à jouer dans sa chute, et sa renaissance



Ce que j’en pense


J'ai lu ce roman dans le cadre du Cercle des lecteurs Belfond, ce qui m'a donné l'occasion unique de commenter ce roman "en présence" de l'auteure. Merci aux éditions Belfond.


L’auteure nous entraîne de France en Indochine, de Hanoï à Saïgon. 1933 en Indochine, colonie française, Victor et Jessie Lesage arrivent à Hanoï pour superviser la gestion des plantations d'hévéa, propriétés de la famille Michelin, industriels du caoutchouc pour les pneumatiques.


Via des retours dans le passé, le roman permet de découvrir aussi le Paris des années 20, de la grande bourgeoisie, des inégalités, de la vie estudiantine, de l’opposition politique, de la montée du communisme.

On y découvre aussi la vie compliquée de la communauté des enfants de grandes familles des colonies dont celles d’Indochine venus étudier en France.


A Hanoi, les Français vivent une vie légère entre eux, les hommes mènent les plantations ou leurs affaires tandis que leurs épouses se retrouvent chez elles ou au club français.

Les Indochinois eux, et plus particulièrement les ouvriers des plantations vivent sous le joug des “maîtres”, dans des conditions parfois misérables. Et toute rébellion est violemment réprimée. Le roman aborde en ce sens les prémices de la montée du communisme parmi la population Indochinoise et ce qui conduira plus tard à la révolte contre le colonialisme français.


Jessie, héroïne du roman, est américaine. Elle épouse Victor Lesage en prenant soin de lui cacher ses origines très modestes et une famille qui ne cadrerait pas avec le monde de la bourgeoisie française des années 30. Ce secret donne au personnage une aura de mystère voire une image un peu trouble qu’elle va garder selon moi durant tout le roman, sa personnalité et ses motivations se floutant peu à peu au fil des pages.

Jessie c’est la femme murée dans la peur d’être découverte, d’être rejetée, reniée. Si elle réagit à ce qu’elle découvre du traitement fait aux ouvriers des plantations qui osent braver l’autorité française, elle ferme les yeux. J’ai trouvé que Jessie, dans son obsession d’effacer ses origines, son histoire, son vrai moi, finissait par effacer ce qu’elle est vraiment, faisant d’elle un personnage plat et peu attirant.


Victor représente le Français sûr de son fait et de son bon droit. On ressent un personnage qui a conscience de son rang et d’une certaine “supériorité”. C’est un garçon de bonne famille qui a été façonné, c’est un produit d’une certaine classe de la société française. A aucun moment, il ne remet en question le traitement fait aux Indochinois. Je m’interroge encore sur sa véritable relation avec son épouse Jessie, véritable amour ou tout autre chose, je ne sais pas ce qui tient ce couple.


On trouve dans ce roman un autre couple : Marcelle, une Française et Khôi, fils d’une grande famille Indochinoise ayant étudié à Paris. Ils sont le couple secret, les amants impossibles. Il représente en quelque sorte le contre-pouvoir colonial, la révolution. Ils vivent un grand et vrai amour. Comme deux âmes sœurs qui se sont trouvées.

Il y a chez Marcelle une forme de fascination pour Khoi. Marcelle qui représente pour moi la femme forte de ce roman, de conviction, la guerrière passionnée. C’est d’une certaine façon une idéaliste passionnée, parfois excessive, un personnage charismatique.


Les deux couples nous montrent finalement les deux faces d’une même histoire.


Les personnages sont finement dessinés. Ils sont complexes autant que peut l’être la colonisation. Chacun a sa part d’ombre, ils intriguent et interrogent le lecteur.


Les deux femmes, Jessie et Marcelle, sont en quête de quelque chose bien difficile à identifier, l’amour, la sécurité, la passion, l’aventure … Cette quête qu’elles mènent l’une et l’autre est pour moi leur faiblesse tant on sent parfois qu’elles n’auront jamais vraiment le sentiment d’être aller au bout de la quête. Leur force en revanche, c’est leur persévérance, cette force qu’elles détiennent, cette conviction que leur quête est juste.

Elles ont pour moi une évolution opposée au fil des pages. Mais dans les deux cas, je les ai laissées à la fin du roman avec une image différente de celle que j’avais en les rencontrant.


J’ai beaucoup apprécié ce roman à deux voix. Cela permet selon moi de créer l’intrigue par petites touches, une femme apportant des éléments de compréhension sur l’autre et inversement, l’une et l’autre apportant leur vision personnelle sur les événements. C’est ce choix des deux voix qui rend aussi la complexité dans le sens subtilité, des personnages et du contexte historique.


Karin Tanabe sait remarquablement nous raconter ce pan de l’Histoire. C’est une fresque romanesque puissante qu’elle nous livre où chaque personnage a finalement une place bien précise dans la photographie qu’elle souhaite nous donner du contexte de l’Indochine à cette époque. Le roman a le mérite de nous montrer tous les ingrédients qui ont participé à la montée du communisme et à la guerre d'Indochine et du Vietnam. C'est aussi, hélas, l'histoire du colonialisme en général.


Au-delà, elle sait au travers les pages de ce roman nous emmener dans un voyage vers le Vietnam, ses paysages magiques, ses couleurs, ses senteurs.

Karin Tanabe est une romancière de fiction historique qui est surtout connue pour ses œuvres The Gilded Years: A Novel, un roman sur le premier diplômé afro-américain du Vassar College, et The Diplomat's Daughter.





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